vendredi 13 juin 2008

Une situation en forme d'impasse pour le gouvernement

On le voit en ce moment avec les transporteurs, on l'a vu avec les pécheurs et peut-être qu'on le verra avec les agriculteurs et les viticulteurs ou bien les taxis.

Des populations en première ligne
Ce sont effectivement ces catégories professionnelles qui sont le plus exposées par la hausse des carburants. Pourquoi ? Parce que leur revenu est directement dépendant du coût de fonctionnement de leurs activités et à la base, on retrouve le carburant. Car il faut du carburant pour faire tourner les chalutiers, les camions, les tracteurs, que sais-je encore...
On voit qu'intrinsèquement si ces derniers n'ont pas les moyens d'impacter cette hausse des coûts d'exploitation par la hausse des denrées qu'ils produisent, la catastrophe pour ces derniers est imminente.
Certes, le gouvernement a accordé des aides substantielles pour ces professionnels sous l'égide (bienveillante ?) de la commission européenne (avait-elle seulement le choix ?). Mais la portée de ces aides reste malgré tout limitées dans le temps. On est en droit de se demander ce qui se passera ne serait-ce que dans six mois quand tout le monde aura reçu (ou pas) ces aides et continuera à connaitre des difficultés de fonctionnement.

Des aides qui ne font pas l'unanimité en Europe
C'est clair, c'est pas en calmant les routiers ou les pécheurs à grand coût de subventions que l'on va installer une situations durable. En Europe, l'Irlande et la Hollande s'étaient insurgées contre ce mécanisme d'aides, car elles argumentaient que rien n'était fait afin de modifier durablement la situation. En effet, des chalutiers qui consomment autant que quand le baril était à 50$, la situation semble paradoxale, mais c'est désormais le quotidien de milliers de pécheurs qui perdent de l'argent à peine les premiers miles marins franchis. Il faut dire que renouveler la flotte pour qu'elle consomme moins, pourrait s'avérer extrêmement coûteux. Mais aucune aide, aucune subvention n'est venue aider ce corps de métier à se moderniser.

C'est l'impasse pour le gouvernement
Le tableau est clair. Comment concilier le fait que sans aide, les uns ne puissent plus exercer leurs activités et justement, le retour au calme par les aides. Le gouvernement n'a pas vraiment le choix :

  • soit continuer les aides, afin que les professionnels puissent poursuivre leurs activités (mais la solution est loin d'être pérenne),
  • soit permettre à ces professionnels de répercuter leurs coûts de fonctionnement sur la marchandise (mais devenant plus cher qui voudrait acheter leurs produits)
  • soit ne rien faire, mais c'est la porte ouverte à un désastre qui ravagerait des pans entiers de notre économie.
  • Encourager le renouvellement des flottes de véhicules et de bateaux, qui permettraient de réduire les coûts des professionnels (c'est une solution très onéreuse)
  • Encourager les démarches d'utilisations des énergies alternatives, de manière plus significative.
Les solutions sont plus ou moins coûteuses et plus ou moins rapides à mettre en œuvre. Mais une chose est sure, à moins que le pétrole redescende de manière significative, c'est que la situation n'est plus à l'attentisme.

vendredi 6 juin 2008

(Depeche) : Accord in extremis au sommet de Rome ...

Par Robin Pomeroy et Stephen Brown Reuters - Jeudi 5 juin, 23h35

ROME (Reuters) - Considérations géopolitiques et dissensions ont contraint les participants du sommet de Rome sur la crise alimentaire à revoir à la baisse leurs ambitions et à n'évoquer qu'en termes généraux la question des biocarburants.

Les délégués de 183 pays réunis depuis mardi sous l'égide de la FAO ont évité de justesse un échec retentissant et la déclaration adoptée dans la soirée les engage "à éliminer la faim et garantir la sécurité alimentaire pour tous, aujourd'hui et demain".

Mais les discussions ont dû se poursuivre jusqu'en début de soirée pour surmonter les objections distinctes émanant de l'Argentine et de Cuba. Les Argentins s'opposaient à toute critique des limitations de leurs exportations de viande bovine et céréalières; les Cubains souhaitaient eux que les sanctions américaines soient évoquées même indirectement.

Diplomates, responsables politiques et représentants d'ONG luttant contre la faim dans le monde estiment toutefois que la seule tenue de ce sommet constitue un succès, puisqu'il place la question de la flambée des prix alimentaires en tête des priorités de la communauté internationale.

"A défaut d'autre chose, des nations se sont rassemblées pour reconnaître l'existence de ce problème", a déclaré le secrétaire américain à l'Agriculture, Ed Schafer.

"AUCUN ENGAGEMENT SÉRIEUX À LONG TERME"

Le sommet de Rome était organisé par l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture de l'Onu pour envisager des moyens de développer l'offre alimentaire face à une demande en augmentation - notamment dans les pays asiatiques à forte croissance -, face à de mauvaises récoltes et à la hausse des prix du carburant.

Cette combinaison de facteurs a conduit à un doublement des prix des denrées alimentaires au cours des deux dernières années, ce qui, selon la Banque mondiale, risque d'acculer à la disette voire à la famine 100 millions de personnes supplémentaires, en plus des 850 millions qui souffrent d'ores et déjà de la faim.

L'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) estime elle que les prix du riz, du maïs et du blé devraient baisser un peu par rapport aux sommets atteints ces temps-ci mais rester à des niveaux élevés pendant les dix ans à venir. D'après les évaluations de la FAO, la production alimentaire devra progresser de 50% d'ici 2050 pour parvenir à satisfaire la demande.

"Nous nous félicitons certes de l'attention que ce sommet a attiré sur la nécessité de répondre à l'urgence de la crise des prix des aliments, mais les gouvernements n'ont pris aucun engagement sérieux à long terme", a commenté l'ONG ActionAid.

Au nom d'Oxfam, Barbara Stocking a jugé qu'il était "erroné de qualifier ce sommet de perte de temps", ainsi qu'a pu le dire le président sénégalais, Abdoulaye Wade.

Mais elle a ajouté que les pays industrialisés du G8 mettraient leur crédibilité en jeu lors de leur prochain sommet, en juillet au Japon. "Les bonnes idées de Rome doivent être suivies par des chèques au Japon", a-t-elle dit.

"A moins qu'on ne modifie le commerce international inéquitable, les politiques en matière de biocarburants et les politiques agricoles, la crise agricole des pays en développement se poursuivra", a-t-elle ajouté.

LES BIOCARBURANTS RENVOYÉS À UN "DIALOGUE INTERNATIONAL"

Les diplomates sont parvenus à contenir le débat houleux sur les biocarburants, accusés de détourner des surfaces agricoles de la production alimentaire.

Sous la pression des Etats-Unis, qui sont avec le Brésil en pointe dans la production de biocarburants, la déclaration de Rome se contente de relever que ces combustibles présentent "des défis et des opportunités". "Nous sommes convaincus que des études en profondeur sont nécessaires pour nous assurer que la production et l'utilisation des biocarburants est viable", peut-on lire.

"La déclaration finale ne dit qu'une seule chose: nous devons mener un dialogue international continu sur ce sujet. D'une certaine manière, c'est important. Cela démontre que les agrocarburants s'inscrivent aujourd'hui sur l'agenda international et que les Etats ne devraient pas agir unilatéralement dans ce domaine", a dit à Reuters Olivier De Schutter, rapporteur spécial de l'Onu pour le droit à l'alimentation.

Son prédécesseur, Jean Ziegler, avait déclenché une intense polémique en affirmant en avril que l'utilisation de terres arables pour produire des biocarburants jetait "les bases d'un crime contre l'humanité".

Pendant les trois jours du sommet de Rome, De Schutter a tenté d'infléchir les politiques américaines et européennes d'incitations à la production et à la consommation d'agrocarburants et n'entend pas relâcher la pression. "Je pense que nous devons progresser vers un code de conduite qui exigerait au moins que des terres propices aux cultures vivrières ne soient pas détournées au profit des carburants au-delà des superficies actuelles", a-t-il ajouté.

Version française Eric Faye et Henri-Pierre André

mardi 3 juin 2008

La responsabilité des fonds de pensions

Si la crise tend maintenant à désenfler, c'est que les opérateurs se sont quelque peu écartés de la voie pétrolière. Celle-ci représentait encore il y a peu, le moyen le plus efficace de faire des profits en très peu de temps : imaginez, un placement qui coûtait 70, il y a un an en coûte désormais 130. La plus-value est pratiquement de 100% sur un an. Pour des établissements frappés de plein fouet par la trop fameuse crise des "subprime", la manne financière que cela représentait !! C'était une occasion inespérée de renflouer les caisses.

Quand les États-Unis se tirent une balle dans le pied.. du reste du monde aussi
C'est un petit peu imagé, mais c'est relativement vrai. Dans le sens où au pays de l'oncle Sam, les fonds de pensions financent les retraites des américains, ceux-ci pour le motif évident de rentabilité ont joué avec le pétrole qui implicitement en augmentant, à fait grimper les frais énergétiques des citoyens américains eux-mêmes.
Mais ce ne sont pas seulement les américains qui sont impactés, le reste du monde aussi, déclenchant ici et là, les émeutes que l'on connaît, mais aussi la sortie de l'Indonésie de l'OPEP. Le fait est suffisamment marquant pour être souligné.
On pourrait dire dans ce cas, qu'ils ont mis un beau bordel dans l'économie mondiale.

La hausse des matières premières et l'inflation... inévitables
De ce coté, d'aucuns pourra dire que la crise qui vient de secouer les Etats-Unis, finalement a rendu service à tout le monde (ou presque, car je ne compte pas les milliers d'expropriations par semaine qui avait lieu aux Etats-Unis). Mais, cela aura permis d'ouvrir les yeux sur ce qu'est réellement le capitalisme à outrance, mais aussi sur une chose à laquelle tout le monde s'attendait, le réveil des puissances asiatiques indienne et chinoise (et donc leurs besoins énergétiques et matériels). Et autre chose, le pétrole - plus que jamais - n'est pas inépuisable (c'est un lieu commun, je sais).
Une demande croissance, une offre qui stagne, finalement, les fondamentaux avaient raisons : les prix sont forcément obligés de monter. Ce n'est d'ailleurs pas tant l'obstination de l'OPEP à ne pas ouvrir plus les robinets, que les tensions géo-politiques qui ont fait quoi que ce soit dans la hausse.
C'était donc inévitable et on a pu donc assister à un superbe effet domino, les investisseurs préférant se rabattre sur le pétrole plutôt que sur les devises.

Des effets collatéraux désastreux
A coté de ça, les prix des denrées augmentant de manière mécanique, cela a davantage contribuer à propager la faim dans le monde, quand ce n'était pas des émeutes (comme en Inde ou dans certains pays d'Afrique). Les missions du PAM (programme alimentaire mondiale) et de la FAO, toutes deux organisations sous la tutelle de l'ONU, sont plusque jamais rendues difficiles dans ce contexte. Les Etats-Unis peuvent débloquer de l'argent pour le PAM quand plusieurs milliards de dollars ont été, sont et seront dépensés pour la guerre en Irak.
On peut donc voir ça comme un juste retour des choses.

Pour finir, les politiques économiques mondiales ne devraient jamais oublier que le premier des besoins (et certainement son plus important défi à relever dans les années à venir) est de pouvoir nourrir le plus grand nombre et non enrichir un plus petit nombre.